La guerre franco-prussienne de 1870 a laissé
pas mal de traces dans l’histoire postale, et, partant, dons la
philatélie. L’évènement le plus marquant a été le siège de Paris par
les troupes prussiennes, qui dura du 18 septembre 1870 au 28 janvier
1871.
Il suffit de parcourir le catalogue Yvert et
Tellier pour la France: on y trouvera les émissions dites « de Bordeaux
». Le gouvernement français s’était en effet replié en province, et un
atelier d’impression des timbres-poste avait été installé dans cette
ville.
Bien entendu,
toutes les communications terrestres avec la capitale étaient coupées,
et la Poste française dut faire preuve d’ingéniosité pour maintenir le
contact entre Paris et le gouvernement exilé. Dans le sens Paris
province, on eut d’abord recours à des passeurs qui se chargeaient de
traverser les lignes allemandes avec le courrier. Certains services
émirent même des timbres dont l’utilité réelle reste à prouver. La
plupart de ces courriers clandestins finirent d’ailleurs aux mains des
Allemands ! On recourut alors à des ballons montés, qui réussirent à
transporter d’importantes quantités de courrier... Mais ceci est une
autre histoire !
Le
transport du courrier dans le sens province-Paris posait des problèmes
plus ardus. Les montgolfières ne pouvaient être dirigées par leurs
passagers: il était donc impossible de le faire atterrir dans
l’enceinte de la ville assiégée... Des essais furent faits avec des
pigeons voyageurs choisis dans des colombiers parisiens et transportés
en province par ballon monté... Bien entendu, une fais lâché, le brave
volatile, chargé de messages, se hâtait de rejoindre son pigeonnier Le
système avait cependant quelques défauts: les pigeons se retrouvaient à
Paris et devaient donc être réexpédiés par ballon monté. D'autre part,
les soldats prussiens ne manquaient pas de tâcher de les abattre
lorsqu’ils survolaient la zone occupée. Une grande quantité d’oiseaux
passèrent ainsi de vie à trépas, et leurs messages étaient interceptés
par les Prussiens.
Cependant, au début d’octobre, trais inventeurs parisiens, MM. Robert,
Delort et Vonoven, conçurent un nouveau système : puisque le transport
par la voie des airs était fort aléatoire, pourquoi ne pas transmettre
les messages par la voie des eaux, plus exactement sous la surface de
la 5eine. L’engin transporteur était un cylindre en zinc de 13 cm de
diamètre et de 20 cm de hauteur. Ce cylindre était muni d’ailettes qui
lui donnaient une allure quelque peu sphérique. Les inventeurs
l’appelaient un « agent », mais le nom de « boule » lui est resté.
Les lettres étaient insérées dans le
cylindre, puis celui-ci était scellé par soudure: il ne restait plus
qu’à l’immerger dans la Seine en amont de Paris. Grâce aux ailettes, la
boule serait emporté par le courant et traverserait donc Paris, où elle
serait interceptée par un filet tendu en travers du fleuve.
Un accord fut
signé avec les autorités parisiennes: les lettres devraient peser moins
de 4 grammes et le port était fixé à 1 franc, somme considérable pour
l’époque, dont 80 centimes reviendraient aux trois inventeurs.
Vanoven resta
à Paris pour installer le filet, qui fut placé à Port-L’Anglais,
localité proche de Vitry et comprise dans la zone assiégée. Delort et
Robert quittèrent Paris le 7 décembre 1870 par le ballon monté « Denis
Papin ». Le nouveau moyen de communication fut annoncé dans la France
occupée au moyen d’annonces et d’affiches. Les expéditeurs devaient
affranchir les lettres correctement, et l’adresse devait comporter
l’indication Paris par Moulins (Allier) " ». Un centre postal fut
installé par Delort à Moulins : les boules y étaient construites,
remplies et soudées. Robert, pour son compte, se chargeait de la partie
la plus dangereuse: déguisé en paysan, il gagnait les bards de la Seine
et y immergeait les boules le plus prés passible de Paris. Les quatre
premières boules furent confiées à la rivière le 4 janvier 1871 à
Bray-sur-Seine, à 20 km en amant de Paris. Il utilisa par la suite des
sites mains dangereux. En tout, 55 boules furent utilisées avant
l’armistice. On o estimé que chacune de celles-ci pouvaient contenir
environ 640 lettres, ce qui nous donne un total d’environ 35.000
lettres confiées au courant.
Malheureusement, aucune boule ne fut récupérée à paris avant la
capitulation de la ville. La première fut récupérée en mars 1871. On en
retrouva assez régulièrement de 1871 à 1876 (parfois deux ou trois sur
un an). La suivante ne fut récupérée qu’en 1884, puis il fallut
attendre 1910. La boule retrouvée cette année n’était pas restée
étanche et la plupart des lettres avaient été endommagées par
l’humidité. Une autre boule fut retrouvée en 1942, puis une autre en
1952 par des enfants qui pêchaient prés de Manterau, Dans tous les cas,
le contenu fut remis aux services postaux qui transmirent les lettres,
lorsque c’était passible, à leurs destinataires ou aux héritiers de
ceux-ci.
La
dernière découverte d’une boule de Moulins date de 1968. L’auteur de
cette trouvaille est un certain René Le Grevellec, qui était aux
commandes d’un engin de dragage près de Caudebec-en-Caux. Lorsqu’il
aperçut un engin métallique parmi les boues qu’il ramenait à la
surface, il s’empressa d’arrêter le draguage, car il pensait avoir à
faire à une mine M. Le Grevellec devait avoir quelques connaissances
philatéliques, car il se douta que sa trouvaille valait une bonne somme
d’argent. La Poste française estima, elle, que le courrier lui
appartenait, mais Le Grevellec. en tant que découvreur, se déclarait en
être le propriétaire. Finalement, ce fut le tribunal de Rouen qui
trancha, d’une manière assez bizarre cependant. Le Grevellec fut
reconnu être le propriétaire de la boule et de son contenu, sous
condition de garder les lettres pendant 30 ans et de transmettre le
courrier à tout descendant de l’expéditeur ou du destinataire qui les
réclameraient. Une dernière boule fut retrouvée en 1982 à
Valleville-La-Rue (Seine Maritime).
Les
lettres qui ont transités par une boule de Moulins ne portaient aucune
marque postale spéciale, on les reconnaît ou libellé de l’adresse «
Paris par Moulins (Allier)». Les lettres de la boule de 1968 reçurent,
après leur récupération, une griffe spéciale apposée en rouge.
La plupart des
lettres provenaient bien sûr de la province française, mais on en
connaît quatre expédiées depuis Monaco. Une de celles-ci se trouvait
dans la collection du Prince Rainier.