Si vous demandez à un citoyen belge pris au
hasard si notre petit pays a déjà eu l’honneur d’accueillir les Jeux
Olympiques sur son sol, il est très probable qu’il vous répondra « Non
! »... A moins, bien entendu, que vous ne tombiez sur un philatéliste
qui, lui, vous répondra : « Bien sûr, à Anvers, en 1920 ! »
En effet, deux séries sont là pour nous rappeler ces Jeux : les n° COB
179/181, qui furent suivis, moins d’un an après, par les n° COB 184/186.
Les
Jeux Olympiques de 1916 auraient du être organisés par l’Allemagne,
mais, bien entendu, la Première Guerre Mondiale causa l’annulation de
ces Jeux. (Pourtant, dans l’Antiquité, toutes les guerres
s’interrompaient pour les Jeux Olympiques !).
Il n’était évidemment plus
question de permettre à l’Allemagne vaincue de se rattraper en 1920. Le
Comité Olympique International décida donc d’offrir ces Jeux à notre
petite Belgique, en « compensation » des souffrances de l’occupation.
Le Comité Olympique Belge accepta très volontiers l’honneur qui lui
était fait. C’est sans doute l’enthousiasme dont faisait preuve Jean
Devos, le bourgmestre d’Anvers, qui amena notre Comité à choisir cette
ville. Le stade olympique construit pour l’occasion existe toujours :
c’est actuellement le stade du Beerschot.
L’administration postale grecque
avait émis une longue série de timbres pour les Jeux d’Athènes de 1896,
mais ce n’avait pas été le cas lors des Jeux suivants, qui s’étaient
tenus en France (1900), aux Etats-Unis (1904), au Royaume-Uni (1908) et
en Suède (1912). L’idée fut cependant reprise par M. Gaston Salins,
président-fondateur de l’œuvre « Le sou du mutilé ». Il approcha le
ministre de l’époque, M. Renkin, et proposa en 1919 l’émission d’une
série de trois timbres à surtaxe au profit de son œuvre.
On demanda à Georges Montenez de
présenter des projets pour ces trois timbres, mais celui-ci refusa par
manque de temps. Finalement, c’est la firme Joh. Enschedé & Zonen
qui fournit trois projets basés sur des modèles antiques. Cette firme
avait été chargée de fournir la magnifique série « Roi casqué », et il
était probable qu’elle serait également chargée de la réalisation et de
l’impression de notre série olympique. Il n’en fut cependant rien, car
l’administration belge reçut une remise de prix plus avantageuse de
l’American Bank Note Company. Soucieux de l’état de nos finances, le
Directeur Général des Postes de Belgique accepta l’offre de cette
firme, qui produira plus tard les n° COB 189 et 220. (Notons
qu’Enschedé reçut également plus tard d’autres commandes (n° COB 182,
187, 243/244). On commanda donc 5 millions d’exemplaires de chacune des
trois valeurs 5c, 10c et 15c, toutes trois grevées d’une surtaxe de 5c,
pour un prix de 7500 $.
Le ministre semble avoir été fort
optimiste quant aux possibilités de vente de ces timbres, car il
modifia ensuite la commande en 10 millions de séries, ce qui amena
l’American Bank Note Company à nous accorder une remise de 10%. Les 30
millions de timbres, qui nous ont donc coûté 13500 $, furent livrés par
paquebot en avril et mai 1919. Un arrêté royal du 28 avril 1920 annonce
la parution prochaine de ces timbres.
Les timbres ont été imprimés en feuilles de 100 timbres. Les marges
portent diverses inscriptions :
- le nom de la firme « American Bank Note Company » (dans la couleur du
timbre)
- le n° de commande (F-6248) (dans la couleur du timbre)
- un numéro de planche gravé à l’envers (A1 et A2 pour les timbres de 5
et 10c, de A1 à A4 pour le timbre de 15c) (dans la couleur du
timbre)Ces trois mentions ont été imprimées aux Etats-Unis, en même
temps que les timbres. Par contre, on trouve aussi dans la marge des
feuilles une empreinte du timbre « DEPORT 1920 », apposée en noir lors
de l’entrée des timbres au Dépôt. L’American Bank Note Company livra en
même temps 300 séries non dentelées. On trouve aussi des exemplaires
perforés et surchargés « SPECIMEN ». Il s’agit d’éléments provenant des
archives de la firme, qui furent mises en vente en 1990, lors de la
cessation des activités de la firme.
Les trois timbres furent mis en vente du 20 mai au 30 octobre 1920,
pour être mis hors cours le 15 janvier 1921. Au départ, ils ne
pouvaient être utilisés que sur le courrier à destination de la
Belgique, suivant en cela une recommandation de l’UPU, qui conseillait
de restreindre l’utilisation des timbres commémoratifs au courrier
intérieur. Cependant, le 1er juillet 1920, ils purent être employés sur
le courrier à destination de la France, du Royaume-Uni, de la Suisse,
du Congo Belge et du Ruanda-Urundi. Enfin, en octobre 1920, ils furent
aussi admis pour l’Italie, le Japon, les Etats-Unis et l’Australie.
Les tarifs pour l’étranger n’ont pas variés durant la période de
validité de nos timbres
On ne peut que se dire que notre
ministre avait décidément fort mal estimé les chiffres de vente de la
série : en effet, on ne vendit qu’une toute petite partie du stock
fourni par l’American Bank Note Company. Les chiffres donnés par le COB
semblent fort bas pour des timbres somme toute pas fort rares, et on
trouve d’autres chiffres, plus vraisemblables : un peu moins de 800.000
exemplaires du 5c, un peu moins de 1.500.000 exemplaires du 10c, un peu
plus de 1.000.000 exemplaires du 15c. Il restait donc au Dépôt du
Timbre une énorme quantité d’invendus. Qu’allait-on en faire ? Les
détruire aurait été un énorme gaspillage !
Un arrêté ministériel du 10
février 1921 annonce donc que ce stock sera surchargé 20c. La surtaxe
de 5c sera aussi annulée par une barre horizontale. Les timbres
surchargés ont été émis le 5 mars 1921. Au début, ils n’étaient
valables que pour le service intérieur, mais un ordre spécial du 16
avril 1921 étend leur validité au courrier pour l’étranger. Ils n’ont
été mis hors cours que le 1er mai 1931. Leur nouvelle faciale de 20c
correspondait, lors de leur émission, au tarif des lettres simples pour
l’intérieur. Ces timbres se trouvent donc beaucoup plus facilement seul
sur lettre. Par contre, la période durant laquelle ils n’étaient pas
valables pour l’étranger n’a duré que cinq semaines et quelques
jours... Le courrier, taxé ou non posté, vers l’étranger durant cette
courte période doit être rarissime !
Il existe des surcharges
renversées pour les n° 184 et 186. Attention, les fausses surcharges
renversées sont fort répandues, ces curiosités ne doivent s’acheter que
munies d’un certificat d’authenticité émanant d’un expert reconnu. Une
paire sur lettre du n° 186, fort joliment oblitérée à Gand, a été
vendue en 1994 pour 140.000 francs, à augmenter de 18% de frais.
Une autre particularité de ces
deux valeurs est la variété « point sous le c de gauche descendu ».
Cette variété est assez facile à trouver, surtout à l‘état oblitéré.
Par contre, sur lettre, elle est nettement moins courante. Il n’y a pas
si longtemps, on pouvait trouver à un prix fort raisonnable des bottes
de 100 de ces timbres et en extraire ces variétés. Cela ne semble pas
être encore le cas !
Les Jeux Olympiques d’Anvers ont
aussi été l’occasion pour les marcophiles d’ajouter quelques pièces à
leur collection :
- 10 bureaux importants ont utilisé des oblitérations mécaniques
(flammes) annonçant les Jeux Olympiques. Le texte de la flamme se lit «
VIIe OLYMPIADE ANVERS AOUT - SEPTEMBRE 1920 ANTWERPEN AUGUSTUS -
SEPTEMBER » ou « VIIe OLYMPIADE ANTWERPEN AUGUSTUS - SEPTEMBER 1920
ANVERS AOUT - SEPTEMBRE ».
La version à prédominance française a été
utilisée par les bureaux de Bruxelles 1, Bruxelles (Midi), Bruxelles
(Nord), Bruxelles (Quartier Léopold), Charleroy 1 et Liège 1, celle à
prédominance néerlandaise par les bureaux de Antwerpen 1, Antwerpen 6,
Gent 1, Gent 3.
- Un bureau de poste temporaire a fonctionné du 14 août au 15 septembre
dans le Stade Olympique. Il utilisait un timbre à date spécial libellé
« ANVERS - ANTWERPEN VIIe OLYMPIADE », ainsi qu’une griffe au même
libellé, que l’on peut retrouver sur les étiquettes de recommandation
du bureau.
Il va de soi que ces deux types
d’oblitérations ajoutent encore de la valeur aux plis affranchis avec
des timbres de la première émission. Il existe des plis philatéliques
abondamment suraffranchis, ce qui diminue leur valeur aux yeux des
puristes.